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1930-1938 : La disparition des tramways parisiens

 

 
 

 


 

 
 

 

Durant les années vingt, le développement de plus en plus rapide de la voiture particulière semble prendre de court les pouvoirs publics qui ne cherchent pas à mettre de l'ordre dans cet envahissement. L’automobile symbolise le progrès car elle permet maintenant de gagner de vitesse les transports en commun. Le tramway passe alors pour un mode de transport dépassé par les progrès de la technique et personne ne voudra réagir contre cette évolution qui semble inéluctable. Il n'est donc pas étonnant que les pouvoirs publics aient avant tout cherché à faciliter la circulation de l'automobile au détriment du transport public. Dès 1921, la Préfecture de la Seine étudie les possibilités de dégager les quartiers centraux et envisage la suppression des tramways dans les artères étroites afin de donner davantage de place à l'automobile. Enfin, les progrès accomplis par l'autobus laissent penser que ce dernier peut remplacer le tramway lorsque le trafic n'est pas trop important.

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Les premières suppressions

 

 
 

 

Une première ligne disparaît en 1925, le 78, Saint-Denis - Villeneuve-la-Garenne. Depuis trois ans, la STCRP exploite par autobus des petites lignes de rocade entre certaines communes de banlieue. Ce mode de desserte sera étendu à quelques courtes lignes de tramways peu fréquentées qui ne justifient pas le tramway. En 1926 est supprimée la petite ligne 111, Saint-Maur - Créteil, en 1927 le 59, Marly-le-Roi - Port-Marly, en 1928 le 60, Saint-Germain - Chatou, en 1929 le 74, Pantin - Quatre Chemins.

Un essai de remplacement des tramways par des autobus dans Paris est tenté sur les lignes 12 et 15 (Passy) les dimanches durant la belle saison, d'avril à septembre 1926. Mais la substitution aux motrices L d'autobus Schneider lents et trépidants n'obtient pas le succès escompté et reste sans suite.

Les premières suppressions à l'intérieur de Paris ont lieu en avril 1926. Le tramway abandonne les quais Rive Gauche entre la Concorde et la gare d'Austerlitz. Les lignes sont reportées boulevard Saint-Germain (lignes 103, 105). Ce même mois, le tramway disparaît des rues Réaumur et de Turbigo avec le report à la République des terminus de l'Opéra et des Halles (lignes 95, 97 et 100) ; les deux lignes 96 et 99, vestiges de la concurrence entre la CGO et l'Est-Parisien, sont même supprimées de bout en bout. En 1928 est abandonnée la ligne 55 qui emprunte en voie unique l'étroite rue Rochechouart, et en 1929 disparaît la ligne 49 mal tracée dans la rue d'Aubervilliers. Les deux dépôts de Saint-Mandé et Montreuil sont fermés à l'exploitation tramways en 1926 et affectés au garage du matériel tramway réformé.

Ces quelques remaniements du réseau sont de peu d'importance. Mais l'idée d'un remplacement possible du tramway par l'autobus a déjà fait son chemin. Face à l'automobile, le tramway apparaît comme l'obstacle à éliminer pour permettre le développement de la circulation privée. Cet état d'esprit, soigneusement entretenu par une presse ignare et partisane : il sera bientôt de bon ton de considérer le tramway comme un mode de transport périmé.

En 1927, la Direction Générale des Transports à la Préfecture de la Seine présente un projet de réorganisation des transports parisiens visant à coordonner les différents réseaux existants (chemins de fer, métropolitain, tramways, autobus), et améliorer les bilans financiers en évitant les doubles emplois. En même temps est demandée la suppression des tramways dans un périmètre défini par les anciens boulevards extérieurs (métro lignes 2 et 6). En 1929, le Conseil municipal décide la suppression de tous les tramways intra-muros dans un délai de cinq ans.

Une expérience dans ce sens, déjà tentée trois ans plus tôt, est effectuée par la STCRP qui remplace le dimanche les tramways par des autobus sur les lignes 12 et 15 à partir du 31 mars 1929. Ce service rencontre maintenant la faveur des Parisiens : en effet, les petits autobus PN, malgré leur inconfort, apparaissent comme le dernier exemple du modernisme car ils sont désormais montés sur pneumatiques...

Une nouvelle nomenclature des lignes entre en vigueur avec les changements d'exploitation : chaque ligne de tramway exploitée par autobus perd son indice chiffres pour prendre un indice lettres, tout comme les lignes desservies dès l'origine par autobus. Ces nouveaux indices sont donnés en suivant l'ordre alphabétique, au fur et à mesure des suppressions : à Paris, après le funiculaire de Belleville devenu BF, les 96 et 99 prennent les indices BG et BH... en banlieue, les 111 et 59 deviennent ET et EV, etc. Ces changements sont âprement critiqués par les Parisiens qui ont du mal à s'y retrouver.

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Le remplacement des tramways par des autobus

 

 
 

Dans un premier temps, la STCRP hésite encore à entamer une suppression massive du réseau. Mais la décision de la Ville de Paris reste sans appel. Sitôt prise la décision de supprimer systématiquement les tramways dans Paris, l'opération de substitution de l'autobus sera très rapidement organisée par la STCRP qui devra réceptionner et mettre au point les autobus commandés à Renault, transformer progressivement les dépôts de tramways en dépôts d'autobus et former le personnel à la cadence voulue. La libération du matériel récent va entraîner d'interminables mutations avec le matériel ancien qui, en principe, devra être réformé en priorité. Les transformations de lignes vont se succéder régulièrement de semaine en semaine, en raison de l'importance du programme à réaliser.

La première vague de suppressions touche les quartiers du XVIe arrondissement et de Neuilly dont une partie des habitants aisés roulent en automobile. En 1930 disparaissent donc les premiers itinéraires à trafic important, en mars la ligne 15, la Muette - Rue Taitbout, en avril le 16, Auteuil - Madeleine, en mai le 37, Neuilly - Madeleine et le 41, Courbevoie - Madeleine : le tramway a dès lors quitté le boulevard Haussmann. En décembre, la suppression du 12, Auteuil - Hôtel de Ville, achève de « dégager » l'avenue Mozart. Cette année voit la conversion des dépôts de Mozart, Croix-Nivert et Puteaux en dépôts d'autobus. Pourtant, les lignes desservant le XVIème) arrondissement avaient un trafic très important et restaient rentables ... du fait du fort taux d'occupation de la première classe !

Sur le moment, le remplacement des rames réversibles de 110 places par des petits autobus Renault PN de 39 places fait encore planer un doute sur l'opportunité de l'opération. Mais la sortie des autobus TN4A de 50 places, en 1931, dissipe officiellement toutes les inquiétudes.

L'année 1931 est orientée vers la suppression des tramways autour des Halles, avec la disparition des lignes 84, 22, 87 et enfin 6A. Par ailleurs, la transformation des lignes 24 et 35 dégage respectivement le boulevard Beaumarchais et l'avenue de Villiers. Le dépôt du Hainaut devient dépôt d'autobus.

En 1932, la STCRP poursuit la suppression des lignes intra-muros et s'attaque aux lignes de pénétrations : ces lignes sont alors scindées en deux parties, l'une en banlieue reste exploitée par tramways, l'autre dans Paris est reprise par autobus. En janvier, les lignes de Vitry et de Choisy, 82 et 83, sont coupées à la place d'Italie et la section Place d'Italie - Châtelet est exploitée sous l'indice 82/83 par autobus. En mai, une opération semblable est réalisée pour les lignes de Gennevilliers et Argenteuil, 39 et 40, qui sont coupées à la porte de Clichy : la section urbaine jusqu'à la Madeleine est reprise par un autobus 39/40. Ces transbordements forcés du tramway à l'autobus sont violemment critiqués par la presse qui demande la desserte de ces lignes de bout en bout par autobus.

Trois lignes purement urbaines à très gros trafic disparaissent en cette année 1932. En février est supprimé le 92, encore exploité par des motrices 300 CGPT : c'est la dernière ligne à caniveau latéral. En octobre et décembre sont abandonnées les lignes 26 et 28, le tramway quitte la rue Saint-Lazare et la rue La Boétie. Pour exploiter ces lignes, un nouveau type d'autobus apparaît, le TN6, de même carrosserie que le TN4 de l'année précédente mais doté d'un moteur à six cylindres plus pussant. Le tramway quitte le dépôt de Lagny qui devient dépôt d'autobus.

Il avait été admis qu'une fois la Capitale dégagée, le réseau de banlieue se stabiliserait. Mais en 1932 le Conseil Général décide de poursuivre systématiquement le remplacement des tramways par des autobus et d'étendre cette mesure à la totalité du réseau de banlieue. Le prétexte invoqué est toujours le même : dégager la circulation. Il y a pourtant lieu de remarquer qu'une bonne partie des lignes de banlieue est établie en accotement, et par conséquent en dehors de toute circulation routière.

Le premier gros itinéraire supprimé en banlieue en est un exemple typique : il s'agit de la liaison Saint-Denis - Porte de la Chapelle (lignes 9, 48, 53) abandonnée par le tramway en décembre 1932 : sur les trottoirs démesurément larges de cette grande artère, les rames L se souciaient fort peu des embarras de circulation alors bien anodins dans cette zone. Ils circulaient librement : on ne pourra pas en dire autant des autobus qui, plus tard, devront s'intégrer patiemment dans le flot de voitures quittant ou regagnant la Capitale.

Le rythme des suppressions s'accélère en 1933 car le programme de « modernisation » du réseau concerne maintenant non seulement Paris mais aussi la banlieue. Les lignes purement urbaines qui subsistent vont disparaître rapidement, à quelques exceptions près, et les lignes de pénétration seront scindées comme précédemment, le tramway restant provisoirement en exploitation sur la section suburbaine.

En janvier 1933 disparaissent les lignes 45 (Asnières) et la section urbaine de la ligne 42, ce qui dégage le boulevard Malesherbes et l'avenue de Saint-Ouen. En février sont abandonnés le 47 et la section intra-muros du 85, le tramway ne circule désormais plus rue Gay-Lussac. C'est ensuite le tour du 43, Courbevoie - Gare Montparnasse, qui sera la dernière à tourner autour de l'Etoile. Les mois suivants, les tramways sont abandonnés rue de Flandre (lignes 50, 52 intra-muros), à Villejuif (85), à Saint-Ouen (42) et à Vitry (82). Au mois de septembre, on s'attaque aux grandes rocades urbaines nord et à la radiale du boulevard Richard-Lenoir (10, 30, 31). A l'automne, le tramway quitte le quartier de l'Opéra (21), l'avenue Jean-Jaurès (29) et ce qui reste de la rocade nord des boulevards (5, 34). Les dernières suppressions concernent Choisy-le-Roi (83), les rues de Charonne et de Bagnolet (101), les boulevards Magenta, Barbes et Ornano (11).

L'ordre des suppressions qui semble peu cohérent se trouve motivé par la nécessité d'aménager les dépôts et de disposer localement du personnel pour les autobus. Durant cette année 1933 disparaissent cinq dépôts de tramways, Didot, Michelet, Saint-Ouen-Diderot, Ivry et Pantin-Courtois. Seuls Michelet et Ivry seront convertis en dépôts d'autobus ; les trois autres dépôts seront affectés au garage du matériel inutilisé. La réforme d'un grand nombre de voitures limite les travaux de révisions des ateliers. En mars 1933, l'atelier des grands levages des Lilas est arrêté.

L'année 1934 voit tout d'abord la suppression de quelques rocades ou rabattements de banlieue (66, 90, 94, 73). Puis disparaissent plusieurs grosses lignes de banlieue, celles de Châtillon et d'Aubervilliers. En mai sont supprimées les lignes traversant le Bois de Vincennes malgré leur remarquable tracé en double voie sur une plateforme indépendante qui survivra cinquante ans après la disparition des tramways... Durant l'été sont supprimées les lignes des quais Rive Droite et la ligne de Versailles. L'année s'achève avec la suppression des lignes de Fontenay-sous-Bois, certaines lignes de Courbevoie et la dernière ligne de Pavillons-Sous-Bois.

Dans le courant de cette année 1934, les dépôts de Sèvres, Charlebourg et Saint-Maur ont été supprimés : les deux derniers sont convertis en dépôts d'autobus, le dépôt de Sèvres est utilisé pour garer le matériel tramways désaffecté. L'A.G.L. de Bezons a fermé le 31 janvier et l'AGL de Championnet a suivi le 1er mars. Il ne reste plus qu'un Atelier des Grands Levages, celui d'Ivry, pour effectuer les révisions mais celles-ci sont réduites au minimum étant donné l'importance du matériel garé en excellent état.

Au 1er janvier 1935, il ne subsiste plus que 50 lignes de tramways, dont quelques anciennes lignes de pénétration limitées à la section extra-muros. Le parc de matériel, débarrassé des voitures anciennes et des petites séries, comprend encore 1.129 motrices et 475 attelages.

Au cours de l'année 1935, le massacre du réseau, ou ce qu'il en reste, va se poursuivre rapidement, au rythme de deux ou trois lignes par mois. Pour se borner à l'essentiel, la première ligne à disparaître est celle de Saint-Germain (58), constituée à partir du Chemin de fer américain de 1855. En banlieue sont supprimées les lignes de Rosny et Villemomble, les rocades est, la ligne Enghien - Montmorency, les lignes de Créteil, Vitry, Maisons-Alfort , Maisons-Laffitte. Des lignes de pénétration sont également abandonnées : avec le 54, Enghien -Trinité, le tramway quitte sa dernière grande percée dans le quartier Saint-Lazare, avec le 89, Clamart -Hôtel de Ville, il abandonne la rue Lecourbe et les abords de l'Hôtel de Ville. Enfin, dans Paris même, les suppressions touchent les lignes du boulevard Saint-Germain, la ligne 91, Montparnasse - Bastille malgré son trafic important et enfin les lignes Auteuil et Saint-Cloud - Saint-Sulpice. Quatre dépôts parmi les plus importants sont abandonnés, Gonesse, Lilas, Alfort, Point du Jour, ainsi que la remise de Rueil. Les dernières motrices B et G de la CGO, les dernières E' de l'Est-Pari-sien et les 150 Nogentaises ont quitté la scène parisienne.

L'année 1936 précipite les événements avec la suppression des lignes de Boulogne, des sections de banlieue des lignes de Gennevilliers, Argenteuil, Pierrefitte, Drancy, Le Bourget, des lignes de Courbevoie et Colombes. Mais trois suppressions retiennent davantage l'attention : en août disparaissent la grande ligne nord-sud, le 8, Montrouge - Gare de l'Est, en décembre le célèbre Paris-Arpajon et enfin les lignes du Bois de Boulogne, 38 et 44, malgré leur remarquable tracé en plateforme indépendante le long du Bois. Un nouvel autobus type TN4 H, comportant davantage de places assises que les précédents, apparaît en 1936 sur le 91, puis sur le 8, et se répandra peu à peu à Paris et dans la banlieue. Les nouvelles séries, construites à 1.190 exemplaires, remplaceront les derniers tramways en même temps que les vieux autobus Schneider H.

A la fin de 1936, il ne reste plus que 8 lignes réparties dans 4 dépôts. L'année 1937 va voir la fin des tramways dans Paris. En janvier disparaissent les lignes de la banlieue sud vers Bagneux et Antony ; en février suivent les lignes de La Maltournée. Une dernière ligne subsiste dans Paris, le 123/124, porte de Saint-Cloud -Porte de Vincennes, grande rocade est-ouest empruntant les rues de la Convention, d'Alésia, de Vouillé et de Tolbiac. Elle est abandonnée la dernière, au soir du 15 mars 1937. Dans la nuit, l'ultime rame L regagne le dépôt de Malakoff. Comme l'avait prescrit le Conseil Municipal, Paris a été débarrassé de ses tramways pour l'Exposition universelle de 1937. Il reste encore, dans une banlieue éloignée, une ligne unique de tramways, la ligne 112, Le Raincy - Montfermeil, qui disparaîtra le 14 août 1938.

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La liquidation du matériel

 

 
 

Au fur et à mesure de la substitution des autobus aux tramways, les dépôts avaient été transformés. Certains d'entre eux, toutefois, ne furent pas prévus dans le programme de transformation et servirent de remise au matériel réformé. Parmi ceux-ci, le dépôt de Montrouge - Arpajonnais servit de terrain de démolition à bon nombre de voitures, et le dépôt de Malakoff abrita les dernières rames réformées du 8 et du 123/124.

Quelques voitures de Paris, en très petit nombre, furent vendues en province à Rouen, Toulouse, Hagondange et Marseille. Certaines de ces voitures circuleront jusqu’en 1960. Des dizaines d’équipements électriques furent également revendus à certains réseaux.

Tout le reste du matériel roulant fut démoli, aussitôt après la suppression du réseau, même le matériel le plus récent, encore en excellent état. Les voies qui venaient d'être reconstruites à grand-peine, le caniveau qui avait englouti des sommes énormes et qui n'avait même pas encore été mis en service sur certaines artères (boulevard Magenta), tout fut vendu au prix de la ferraille.

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Après la suppression

 

 
 

On reste confondu devant la désinvolture et l'inconscience qui ont présidé à la démolition systématique en quelques années d'un réseau d'une telle importance, édifié et modernisé au prix de soixante ans d'études et de travail. Ce réseau, conçu et réalisé année après année par les anciennes compagnies, apportait une desserte rationnelle à la population parisienne, il venait d'être entièrement remis à neuf par la STCRP lorsqu'une décision inconsidérée le sacrifia à une minorité qui ne l'utilisait pas. Le résultat de cette politique ne se fit pas attendre. Un an après la suppression du dernier tramway, c'était la guerre. Le réseau routier disparaissait bientôt presque totalement, et cette fois-ci, il n'était plus question comme en 1914 de s'appuyer sur le réseau de tramways pour desservir Paris et sa banlieue.

Après les hostilités, le retour anarchique de l'automobile viendra entraver chaque jour davantage l'exploitation des autobus noyés dans la circulation privée. Au même moment, des matériels modernes de tramways apparaissaient dans les grandes villes étrangères où ils circulaient en site propre. Plus tard étaient généralisés les tramways articulés qui seuls pouvaient faire face à la demande de transport grâce à leur capacité. Malheureusement, à Paris, le tramway n'a pas pu évoluer comme il aurait dû le faire : on préféra sa suppression plutôt que sa modernisation.

Il y a lieu de noter que la STCRP avait pourtant engagé un vaste programme de modernisation et de reconstruction des voies. Certaines voies mal tracées avaient été reposées dans l’axe des chaussées. Des aiguillages électriques avaient équipés les points névralgiques du réseau. La plupart des grandes radiales de banlieue circulaient en accotement, ancêtre des sites propres actuels. Des études techniques très poussées avaient été engagées sur le matériel roulant afin de définir de nouvelles séries de matériels roulants appelés à remplacer l’ancien matériel. Les services d’études du matériels de la STCRP étudiaient de très près des évolutions sur le confort de roulement, la récupération de l’énergie par le freinage. En y regardant de plus près, on s’aperçoit que la TCRP s’engageait dans la voie du tramway moderne …

Malgré tout, il restait des points noirs : certaines lignes n’avaient pas bénéficié d’amélioration et circulaient sur des tracés remontant au début du siècle. Place de l’Etoile, le tramway tournait encore à gauche, à contre-courant des voitures, afin de ne pas couper la perspective de l'avenue Foch... Ce n’était pourtant pas rédhibitoire et pouvait être facilement réglé par le bouclage complet autour de la place.

Par ailleurs, le maintien du caniveau était incompatible avec une exploitation rapide : le passage du trolley au caniveau qui nécessitait la descente de la charrue à l'arrêt avec courant coupé, freins serrés, cales aux roues, etc., causait une perte de temps. Néanmoins, la STCRP avait réussi à maintenir le fil aérien posé à titre provisoire sur certains tronçons de lignes.

La suppression des tramways parisiens a été accomplie en un moment où les progrès de l'automobile semblaient devoir détrôner le rail en France. L’état d’esprit était tel qu’il était devenu inutile de défendre un moyen de transport considéré, à tort, comme dépassé et donc condamné à disparaître au profit de l'autobus.

Pourtant quarante ans après la suppression des tramways parisiens, une recherche sur les causes profondes de cette suppression montre que la STCRP présentait d'« étonnantes imbrications financières » avec diverses entreprises proches des intérêt pétroliers et automobiles, particulièrement intéressées par le remplacement des tramways par des autobus. Le rapport conclut : «… On ne peut s'empêcher d'établir des liens assez troublants entre la forte représentation des industries pétrolières et automobiles et la brusque disparition des tramways au profit des autobus... A plus d'un titre en effet, la suppression des tramways de banlieue est injustifiée et procède sans aucun doute de considérations totalement étrangères à l'intérêt public. »

En fait, la situation financière des transports parisiens, qu'on annonçait améliorée par la suppression des tramways, va se solder en 1938 par un déficit atteignant 1,4 million de francs.

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En guise de conclusion … temporaire

 

 
 

Le tramway aurait dû subsister dans la région parisienne si on lui en avait donné les moyens. Il était indispensable de faire évoluer le réseau suivant des conceptions modernes d'urbanisme couvrant l'ensemble de l'agglomération et privilégiant le transport public par des voies réservées, conception qui ne s'imposera dans la Capitale que trente ans plus tard pour les autobus, mais que la STCRP commençait à étudier.

Il aurait fallu généraliser le tramway en site propre, comme le projetait la STCRP, mais aussi lui donner une véritable priorité aux carrefours avec une télécommande des aiguilles, et un dispositif de feux de signalisation lui donnant la priorité sur la circulation automobile, comme cela sera progressivement développé dans les grands réseaux européens une vingtaine d'années plus tard.

Les conceptions du matériel roulant devaient être reconsidérées pour s'accorder avec un relèvement de la vitesse commerciale. La STCRP, avait commencé à étudier un matériel moderne à essieux et à bogies mais la décision de supprimer le réseau laissa ces projets sans suite. En 1937, les réalisations étrangères avaient pourtant montré les techniques à suivre : la motrice PCC américaine, qui s'imposera après la guerre sur certains réseaux en Europe ou encore les grandes motrices standard à bogies apparues en Suisse à partir de 1940, auraient été un modèle parfaitement valable pour Paris qui, du reste, avait étudié des techniques voisines.

L'exemple de Paris sera suivi par la province qui supprimera allègrement ses tramways après la guerre. Cette erreur aura des conséquences critiques dans les années 60 et sera une des causes de la désaffections des usagers jusque dans les années 70.

Pourtant le tramway a toute sa légitimité soit sur les grandes lignes à fort trafic - y compris dans Paris, soit comme rabattement sur les lignes du Métropolitain ou ancore comme rocade entre les différentes banlieues. Il faudra attendre plus d'un demi-siècle pour que ces idées soirent enfin admises et appliquées. Ce sera le renouveau du tramway à partir de 1992 sur la ligne Saint-Denis - Bobigny.

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