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L'histoire du réseau de Berlin,
un des plus grands d'Europe jadis, est marqué par l'Histoire de
notre temps comme jamais aucun autre ne l'a été. La dernière
guerre et les dévastations, la division en quatre secteurs d'occupation
qui aboutit en 1961, à la séparation physique de la ville
par le Mur, autant d'évenements qui ont marqué la vie quotidienne
des tramways berlinois.
Ce n'est pas une mince affaire que de relater succinctement l'évolution
du réseau, puis des réseaux, entre 1950 et 1970. Peut-être
avons-nous fait des erreurs et des ommissions. Que le lecteur veuille
bien nous pardonner par avance, mais surtout qu'il ne se prive pas de
nous faire part de ses remarques. Nous lui en saurons gré.
Lorsqu'au petit matin du 2 mai 1945 les Berlinois se réveillent
d'un cauchemar de deux années de bombardements continuels, puis
de combats de rues sanglants, ils ne leur restent que des ruines : ce
qui avait été une des plus fabuleuses capitales d'Europe
n'est plus que cendres. L'horreur avait frappé, carbonisé,
détruit.
Du réseau de tramways, il ne reste rien en état de fonctionnement
depuis le 22 avril 1945 : les voies sont en ruine, la ligne aérienne
détruite à 95%, trois dépôts et les ateliers
centraux inutilisables. Un quart du parc de matériel est tout juste
en état de marche.
Pourtant, nécessité faisant loi, trois lignes périphériques
sont remises en service dès le 20 mai 1945. Au prix d'efforts considérables
et sur ordre du Général commandant en chef des troupes russes
d'occupation, onze lignes suivent du 26 mai au 25 juillet suivant. Le
7 octobre 1946, la quasi totalité des voies en service avant 1943
sont à nouveau en exploitation ! A la fin de 1947, 52 lignes sont
exploitées par 941 motrices et 860 remorques, sur 388,1 km de ligne.
Après la fin du blocus de Berlin, en 1948, la division entre le
secteur soviétique et les secteurs occidentaux s'accentue. Dès
mars 1949, les receveurs en services sur les convois des onze lignes inter-secteurs
sont relevés au passage de la ligne russo-occidentale (Sektorengrenze).
Confirmant le scission politique de l'Allemagne, le réseau est
divisé en deux entités d'exploitation : le 1er août
1949, la Berliner Verkehr Gesellschaft (BVG) est scindée en BVG-Ost
et BVG-West. Le parc est réparti entre les deux entités
ainsi que l'exploitation des lignes. Cette nouvelle situation aura des
conséquences capitales sur l'avenir du réseau de tramways
de Berlin.
Néanmoins, le réseau du BVG-West continue à se développer
avec la reconstruction progressive des tronçons encore inactifs
; il atteint 432 km de lignes exploitées en 1952 (40 services).
Le matériel roulant le plus ancien bénéficie de diverses
améliorations, dont le renforcement des moteurs. La BVG-West met
en chantier l'étude de tramways modernes et deux convois prototypes
sont mis en service en 1952.
Mais la situation politique continue de se dégrader : la vie dans
le secteur soviétique est plus difficile que celle dans les secteurs
occidentaux. Une révolte massive a lieu en 1953, confirmant la
coupure de la ville. La même année, les services inter-secteurs
sont suspendus et les lignes concernées, exploitées en deux
tronçons distincts ou supprimées.
C'est alors qu'une décision brutale est prise à la BVG-West
: en février 1953, l'exploitant obtient un crédit de 12
millions de D-Mark pour l'acquisition de quarante convois modernes et
vingt autobus, afin d'entamer la modernisation du parc. Soudainement,
la direction du BVG-West décide que ces crédits seront affectés
à l'achat de 140 autobus à impériale et annulent
la renouvellement du parc de tramways. Il est de bon ton alors, de se
rapprocher des modèles de Paris et de Londres, qui venaient de
supprimer leur réseau (respectivement en 1938 et 1952). Cette décision
scelle l'avenir des tramways dans la partie ouest de la ville. Dès
juillet 1954, les suppressions commencent par le retrait des tramways
de l'artère commerçante du Kurfürstendamm.
De juillet 1954 à juillet 1961, seize lignes sont supprimées.
L'érection du Mur le 13 août 1961, provoque l'accélération
du processus. De septembre 1961 à octobre 1967, ce sont les vingt-trois
dernières lignes qui disparaissent. Le dernier tramway de Berlin-ouest
est remplacé par des autobus au matin du 3 octobre 1967.
En revanche, la situation est sensiblement différente dans le secteur
d'occupation soviétique. Evoluant indépendemment de la BVG-West,
la BVG-Ost - qui exploite treize lignes sur 201 km en 1949 - se préoccupe
de moderniser le réseau de tramways. Après la remise en
état des installations fixes, l'exploitant remplace la perche de
toutes les motrices par un pantographe entre 1951 et 1955. Cette substitution
permet un allégement de la ligne aérienne et des économies
d'entretien. A partir de 1950, vingt motrices et vingt remorques à
deux essieux sont livrées, permettant ainsi un renforcement des
services.
Dans le système de planification urbaine, Berlin-Est doit également
s'adapter au développement de la circulation automobile et les
tramways disapraître, ou du moins réduire en nombre, dans
le centre. La reconstruction de Berlin-Est prend en compte cette notion
et les tramways sont retirés des anciennes lignes centrales devant
l'Hôtel de Ville. En janvier 1967, il n'y aura plus de tramways
sur l'Alexanderplatz et les dernières suppressions dans l'ancien
centre-ville auront lieu en 1975.
Mais le tramway reste un outil incontournable du transport à grande
capacité pour les quartiers périphériques qui se
développent rapidement à partir de 1961. La construction
d'immenses avenues intégre des radiales de tramways en site propre
sur plusieurs dizaines de kilomètres. Pour faire face à
l'augmentation du trafic, une partie importante des anciennes motrices
et remorques font l'objet d'une reconstruction complète, mais en
conservant les équipements électriques d'origine ainsi que
les trucks. Des convois de trois voitures sont systématiquement
mis en service sur les lignes importantes. Malheureusement, ce matériel,
de conception ancienne, reste lent et inconfortable.
La rationnalisation de l'exploitation, entamée dès 1957,
engendre la suppression des receveurs, dont le dernier disparait en décembre
1967 : tous les tramways sont dorénavant exploités en libre-service.
En 1969, la BVG-Ost laisse la place à la Berliner Verkehrsbetriebe
Kombinat (BVB). C'est sous son égide qu'apparaîtront les
premiers tramways modernes à partir de 1976.
Le maintien et le développement du tramway à Berlin-Est,
auront une conséquence inattendue bien des années plus tard
: la réunification de la capitale, le 9 novembre 1989, provoquera
de fait la réunification des réseaux. Cas étrange,
Berlin sera la seule ville du monde à bénéficer d'une
moitié de réseau de tramways en expansion. Après
quelques années d'atermoiements, la nouvelle BVG décidera
avec la Ville de redéployer les tramways à l'ouest. Le processus,
lent, est en cours et plusieurs projets prévoient le retour des
tramways au centre de l'ancienne Berlin-Ouest, là où les
tramways de jadis avaient été les premiers à disparaître
: l'Histoire a de ces curieux retournements !
Sources :
"Die Straßenbahnen in Berlin" - S. Hilkenbah/W. Kramer
- ALBA
"Straßenbahn Magazin n° 66"
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